« La rémunération doit être un métier de gestion plus que d’administration »
Pour les entreprises, le défi majeur est de favoriser l’engagement des collaborateurs. La rémunération peut y contribuer, à condition de s’appuyer sur des professionnels Compensation & Benefits qui allient expertise technique et compétences humaines et relationnelles. C’est la conviction de Sandrine Dorbes, fondatrice du cabinet de conseil en rémunération “How Much”.
La rémunération est une notion à géométrie variable. Quels éléments contribuent le plus à l’engagement des salariés ?
Je répondrai en mettant l’accent sur les principaux piliers de l’engagement : le sentiment que le travail et les missions ont un sens ; le sentiment d’avoir les moyens et une certaine autonomie pour apporter sa contribution au projet d’entreprise ; et le sentiment d’être justement récompensé, en termes de rémunération et de reconnaissance. C’est donc à chaque entreprise de définir les éléments de rémunération qui auront le plus d’impact sur ce sentiment de récompense juste, en fonction de sa stratégie, sa culture, ses valeurs…
Certains services Compensation & Benefits sont trop orientés sur l’administration de processus, qui sont faits pour apporter des réponses fermes aux questions que l’on se pose. Ils doivent être davantage tournés vers la gestion, qui vise plutôt à mettre en place des processus d’aide à la décision et laisse une place à l’appréciation d’une situation. Qu’est-ce que je cherche à rémunérer ? Un niveau de poste, une compétence, un niveau d’expérience ? Avant le « comment », la politique de rémunération doit répondre au « pourquoi », en sortant d’une approche d’agrégation de pratiques.
Avec la crise, et ses conséquences économiques et sociales, en quoi la rémunération reste un facteur d'attractivité et de fidélisation ?
Avant de savoir si elle le reste, on peut déjà se demander si la rémunération est réellement un facteur d’attractivité et de rétention des talents ! Selon moi elle est essentiellement un facteur d’insatisfaction, et le service C&B est attendu pour limiter cette insatisfaction. J’aime ajouter un quatrième pilier à l’engagement : la transparence. La crise a agi comme un catalyseur des attentes des collaborateurs, qui veulent à la fois comprendre les règles et avoir de la visibilité sur leur évolution salariale.
Cela ne signifie pas qu’il faut aller jusqu’à communiquer sur l’ensemble des salaires ! Il s’agit de valoriser des règles de rémunération connues, partagées et respectées. Les entreprises négligent souvent de mettre en place des outils de contrôle de la politique de rémunération : la transparence va contribuer à une forme d’auto-contrôle par la communauté interne, notamment managériale.
La fonction C&B doit bien sûr avoir de solides compétences techniques. Est-ce suffisant ?
Le fait d’être un bon technicien est primordial, mais ma conviction est qu’il faut également être à la fois très à l’écoute et empathique. La politique de rémunération porte en elle beaucoup d’éléments : des enjeux de pouvoir, des attentes internes, une vision de la « valeur » des collaborateurs. C’est sans doute l’un des seuls domaines RH qui provoquent des réactions émotionnelles fortes. Le professionnel de la rémunération va pouvoir débloquer des situations et limiter les crispations, par exemple en demandant au collaborateur les vrais motifs de son mécontentement. Sur cette base, il devient possible d’entrer dans une logique de co-construction des solutions. Je me suis moi-même formée à la communication non violente, et j’ai pu en constater les intérêts.
Comment mieux communiquer sur la rémunération et ses différentes composantes ?
La première étape consiste à bien choisir les éléments à valoriser. Certaines politiques de rémunération en comportent plus d’une dizaine, cela n’aurait pas de sens de tout aborder. Mieux vaut sélectionner ceux qui ont le plus d’impact sur les salariés. Ce point rejoint plus globalement l’importance de faire évoluer la fonction RH vers une approche plus marketing, en se connectant davantage aux attentes pour adapter le produit ou le service et susciter l’adhésion.
Une fois que l’on a choisi les éléments, il reste à définir la manière adéquate de communiquer. D’abord, il est crucial de rappeler pourquoi ils ont été mis en place, avec quels objectifs – par exemple, valoriser une compétence et renforcer la fidélisation. Cela servira de base à une explication pédagogique des raisons pour lesquelles une augmentation salariale est, ou pas, accordée.
Quelles bonnes pratiques avez-vous pu repérer en matière de critères de rémunération, ou de communication sur la rémunération ?
Des retours d’expérience intéressants ont notamment en commun l’alignement de la politique de rémunération avec les valeurs de l’entreprise, ou avec sa mission. Par exemple dans une entreprise qui met en avant la solidarité, un complément de salaire a été accordé aux salariés aidants familiaux. Tout ce qui va dans le sens d’une grande pédagogie est également à privilégier : par exemple, lors de l’entretien annuel où il est question de l’évolution salariale, une fiche synthétique reprenant les éléments de la rémunération et les dates des dernières augmentations va servir de base à l’échange avec le manager. Une autre pratique à privilégier est de rester à l’écoute du terrain, pour s’assurer que les pratiques de rémunération restent en phase avec les attentes.