Les débats sur la réforme des retraites ont l’intérêt de mettre en lumière la problématique des secondes parties de carrière et du maintien de l’employabilité des seniors. Au-delà de leur taux d’emploi, mesure-phare de l’index, d’autres questions se posent pour tirer partir de leurs atouts, envisager des passerelles fonctionnelles et assurer le développement de leurs compétences.
Le 5 mars dernier, le Sénat a adopté l’article de loi portant sur la mise en place d’un « indicateur relatif à l’emploi des salariés âgés » pour les entreprises de plus de 300 salariés. Cet index, dit index seniors, serait obligatoire dès novembre 2023 dans les organisations d’au moins 1 000 salariés. Pour celles dont les effectifs sont compris entre 300 et 1 000, le délai serait rallongé jusqu’à juillet 2024.
S’il reste à en définir précisément les modalités d’application, et sous réserve qu’il ne soit pas retoqué par le Conseil constitutionnel, ce nouveau dispositif vise à renforcer la part des seniors dans les effectifs, en misant sur le recrutement mais aussi sur le maintien dans l’emploi. Pour limiter sa dimension contraignante – au risque d’en faire une coquille vide ? –, le risque de pénalité porterait uniquement sur la non-publication des résultats, et non sur l’insuffisance des avancées.
L’employabilité des + de 50 ans, un enjeu de dialogue social
On peut regretter que cette mesure, inspirée par l’index sur l’égalité entre femmes et hommes (lui-même critiqué pour ses limites), manque nettement d’ambition. Or ce sujet mérite d’être mieux pris en compte, dans une démarche 360°, au niveau des entreprise et/ou des branches professionnelles. Il s’agit d’en faire un thème majeur de dialogue social, pour définir et déployer des accords dédiés à l’employabilité des seniors, dans toutes ses facettes.
Pour s’engager dans ce processus, les organisations ont intérêt à privilégier une démarche en trois temps. Le premier va consister à prendre conscience des atouts des seniors et à objectiver leurs attentes. Comme le révèle une récente étude OpinionWay pour SD Worx, près de trois quarts des salariés français estiment que les seniors sont tout aussi rapides et efficaces que les salariés plus jeunes. Ils sont encore plus nombreux à apprécier de travailler, au quotidien, avec des salariés seniors. Aux yeux des Français, on ne capitalise pas assez sur ces salariés, le monde professionnel ayant toujours autant de mal à s’adapter à l’évolution de l’âge des actifs. Les opportunités ne manquent pourtant pas, par exemple des passerelles métiers permettant de passer d’une fonction opérationnelle à un poste d’expertise et/ou de formateur interne.
Faire bouger les mentalités et miser sur la formation
Un deuxième temps doit être consacré à la fixation d’objectifs de formation, qui seront intégrés au plan de développement des compétences. Seul un tiers des salariés français interrogés par SD Worx considère que les seniors sont suffisamment formés pour remplir leurs missions, actuelles ou futures. Une politique RH réellement inclusive, donnant toute sa place à la diversité générationnelle, ne pourra pas faire abstraction d’une réflexion sur les besoins d’upskilling, voire de reskilling, des 50 ans et plus.
Dernier volet, et non des moindres : l’importance de faire évoluer les perceptions pour favoriser le management intergénérationnel. Comme le rappellent les experts de Welcome to the Jungle dans un livre blanc consacré à 10 tendances RH pour 2023, les stéréotypes associés aux seniors ne manquent pas : trop chers, peu flexibles, difficilement manageables, moins productifs, réfractaires aux technologies... Des idées qui sont pourtant loin de refléter la réalité. Il s’agit donc d’acculturer la ligne managériale, par de la sensibilisation et de la formation, pour adopter une posture adaptée à ces profils et in fine « créer des conditions favorables à la transmission et à la capitalisation des savoirs ».
Des spécificités sur lesquelles capitaliser
Mettre en place une politique dédiée à l’employabilité des seniors implique ainsi de jouer sur l’ensemble des leviers de l’expérience RH collaborateur. Au bénéfice des salariés mais aussi des employeurs, qui ont l’opportunité de capitaliser sur une population aux nombreuses spécificités, rappelées par les auteurs de Le Travail post-retraite : les seniors constituent un vivier de compétences pointues grâce à leur grande expérience ; ils ont davantage tendance à rester fidèles à l’entreprise, à avoir le goût du travail bien fait, à jouer collectif ; ils peuvent faciliter l’intégration des nouveaux entrants et contribuer à la transmission de savoir-faire et de savoir-être. Ces atouts peuvent donc servir à définir des priorités d’action et des objectifs précis, avant de les traduire en indicateurs de performance. Avec une ambition : concrétiser l’index seniors avec un cadre d’action plus incitatif que coercitif.