Les débats sur le projet de réforme des retraites ont mis en lumière différentes problématiques, dont celle de la prise en compte de la pénibilité au travail. Alors que ses critères ont été réduits drastiquement ces dernières années, les organisations ont intérêt à prendre le contre-pied pour élargir au contraire la palette d’éléments à prendre en compte.
Aides-soignants et infirmiers, aides à domicile, caissiers, ouvriers… Pendant la crise sanitaire, les salariés de terrain ont été – une fois n’est pas coutume – particulièrement mis en lumière. C’est à cette population que s’est intéressée une récente étude de Skello et BVA, afin de prendre le pouls de ces catégories professionnelles. La très grande majorité des 800 personnes interrogées exprime un attachement très fort à l’égard de leur métier, qu’elles considèrent utile (95 %), qui leur plaît (85 %) et qu’elles jugent valorisant (60 %).
En revanche, elles rappellent aussi les contraintes associées à ces professions, qu’elles considèrent comme pénibles (72 %) et difficiles (78 %), les soumettant à du stress et à des douleurs physiques. Les deux tiers des salariés de terrain ont ainsi déjà songé à démissionner, notamment pour se reconvertir en privilégiant un métier mieux rémunéré, avec de meilleurs horaires, et limitant l’usure professionnelle.
Six critères de pénibilité reconnus, contre 10 auparavant
La problématique de la pénibilité au travail s’est largement invitée dans le débat public ces dernières semaines. Lors de la présentation de la réforme des retraites, le gouvernement a mis l’accent sur ce sujet, en indiquant chercher à améliorer le compte professionnel de formation (C2P), un dispositif aux résultats très mitigés. Créé en 2015, il permet aux salariés de cumuler des points pour chaque année d’exposition à un ou plusieurs critères de pénibilité. Aujourd’hui, six sont reconnus : les gestes répétitifs, l’environnement bruyant, le travail de nuit, en équipes successives alternantes, en milieu hyperbare (sous terre ou sous l’eau) et dans des températures extrêmes.
Des critères qui ouvrent donc à des droits, permettant d’envisager le passage à temps partiel, un départ en retraite anticipé, une reconversion professionnelle. Or, en pratique, à peine 12 000 salariés auraient utilisé le C2P, principalement pour partir plus tôt à la retraite. On doit ce bilan en demi-teinte à la suppression, en 2017, de quatre critères de pénibilité au motif que leur seuil d’exposition serait difficilement quantifiable : port de charges lourdes, postures pénibles, vibrations mécaniques et exposition aux agents chimiques dangereux.
Une pénibilité physique, mais pas seulement…
Si ces dispositifs publics et règlementaires présentent des limites, les employeurs ont des marges de manœuvre pour envisager la pénibilité avec une focale plus large. D’abord, en maintenant la liste initiale des 10 critères pour identifier, en lien avec la ligne managériale, le service RH et le CSE, des modalités de prévention adaptées à chacun de ces critères. Le concours de la médecine du travail et d’experts ergonomes va alors se révéler précieux pour identifier des axes d’amélioration et déployer le plan d’action.
Comment aller plus loin encore ? La pénibilité n’est pas uniquement physique ; l’augmentation du nombre de personnes en burn out illustre l’importance d’envisager toutes les formes d’usure professionnelle – physique, donc, mais aussi psychologique et relationnelle. Prenons le cas des centres d’appels ou de service après-vente : les conseillers sont en contact, au quotidien, avec des clients et prospects mécontents, ce qui peut avoir des répercussions sur leur santé mentale. Pour limiter le risque de conséquences néfastes, plusieurs réponses sont possibles : par exemple des formations pour apprendre à mieux gérer le stress ; ou encore des perspectives de mobilité interne, offrant la possibilité de se reconvertir en interne, sans avoir besoin de changer d’employeur.
Prendre en compte la pénibilité sous toutes ses formes, dans une logique 360°, est une approche gagnante pour les collaborateurs mais aussi pour les employeurs. En faisant vivre une telle culture de la prévention, ils renforcent leur attractivité, limitent l’absentéisme et le turnover, et placent la santé au cœur de l’expérience RH collaborateur.