Une année sous le signe du talent
Alors que les enjeux de fidélisation n’ont jamais été aussi importants, les organisations mettent – logiquement – de plus en plus l’accent sur la gestion des talents. Une notion qui mérite d’être précisée, voire réinventée, pour s’assurer de donner à chaque salarié ce dont il a besoin pour gagner en performance et en épanouissement professionnel.
L’année qui vient de s’achever a été marquée par une intense période de recrutement, avec notamment une hausse de 17 % entre les premiers semestres 2022 et 2023, et une accalmie amorcée dès le troisième trimestre. Pour nombre d’entreprises, une nouvelle phase commence, avec moins d’embauches et davantage de recherche de fidélisation, qui passe notamment par une politique ambitieuse et structurée de gestion des talents.
Or, comme le rappelle Jean Pralong, responsable de la chaire Compétences, employabilité et décisions RH de l’EM Normandie et auteur d’une récente étude, la notion de talents est floue et ambiguë. Il est donc essentiel, pour l’entreprise, de définir ce qu’elle entend par « talent ». Un préalable indispensable avant de transformer la stratégie RH, en s’inspirant par exemple des recommandations des experts de SD Worx, tirées d’une récente et vaste enquête européenne.
Une cartographie des compétences comme boussole de la politique RH
Cette démarche de transformation est d’autant plus importante que les collaborateurs expriment de nombreuses frustrations. D’après le dernier Index de la gestion des talents, établi par l’éditeur de logiciels Cornerstone, il existe un écart persistant entre ce dont les collaborateurs pensent avoir besoin pour évoluer et se développer au travail, et ce que les actuels dispositifs de gestion des talents leur apportent réellement. L’enquête révèle quatre enseignements principaux :
- Les salariés attendent davantage de visibilité sur les possibilités d’évolution et manifestent une forte attente en termes de formations (contenus supplémentaires, coaching et programmes de mentorat, accompagnement dans les opportunités de carrière) ;
- Il existe un déficit de confiance sur la question de l’upskilling : 80 % des employeurs français sont convaincus de pouvoir développer les compétences de leurs collaborateurs, tandis que ces derniers ne sont que 46 % à le penser ;
- Les entreprises sont lentes à adopter les innovations émergentes : plus de six sur dix n’exploitent pas encore l’IA pour optimiser la gestion de leurs talents ;
- Les organisations qui s’évaluent le mieux en termes de satisfaction de la clientèle, de productivité, de fidélisation des employés et de performance globale affichent également un score nettement plus élevé sur l’Index de la gestion des talents.
De multiples façons d’exploiter la data pour développer les collaborateurs
Comment concrétiser ce changement de cap dans la gestion des talents ? Pour Clément Têtu, fondateur du cabinet [Pépite.], spécialisé dans le recrutement de talents issus des armées, plusieurs pistes peuvent être explorées par l’entreprise. « Il est primordial dans un premier temps de comprendre la proposition de valeur du talent en distinguant : son parcours de vie et les valeurs/leviers de motivation qui en découlent, son parcours professionnel au travers de ses réussites et de son investissement, et son background académique en matière de socle de connaissances en vue d’apprendre de nouvelles compétences. » Il va ensuite s’agir d’identifier l’environnement dans lequel le talent sera à la fois épanoui et performant – sens de la mission, goût du challenge, appétence pour le lien social et la coopération, etc. La dernière étape de ce cycle vertueux consiste ensuite à mettre en place les conditions favorables à l’expression de ce potentiel. Soit une certaine recherche de personnalisation de la gestion des talents.
De son côté, Jean Pralong propose une autre approche, qui peut venir en complément de celle défendue par Clément Têtu : substituer la notion de « talent » par celle de « compétences », qui « se nomment, se mesurent, se développent ». L’objectif est donc de sortir de la dimension psychologisante, « innée », associée au terme de talent, afin de redonner toute sa place à celui de compétences ; de permettre au collaborateur d’exploiter son portefeuille de savoir-faire et de savoir-être ; de mieux les évaluer ; et d’aider les membres de l’équipe à articuler et croiser leurs compétences au service du projet collectif.