L’inflation et ses conséquences sur le pouvoir d’achat pèsent tout particulièrement sur les seniors retraités, dont la pension ne suffit pas toujours à couvrir les dépenses, fixes comme variables. Le retour au travail peut donc représenter une nécessité. Une situation dont tâchent de s’emparer pouvoirs publics et experts, dans le cadre d’une réflexion qui couvre également le maintien en activité des plus de 50 ans.
Sentiment d’être utile, peur de l’ennui, préservation du lien social... De nombreuses raisons peuvent inciter les personnes retraitées à reprendre le chemin du travail, mais il peut aussi s’agir d’un impératif pour « boucler ses fins de mois ». Le phénomène de cumul emploi-retraite reste encore marginal, mais pourrait se renforcer dans le contexte actuel de flambée des prix. En 2020, d’après l’Insee, près d’un demi-million de personnes déclaraient exercer une activité professionnelle en complément de leur pension de retraite – soit 3,4 % des retraités.
Si cette situation relève avant tout d’une décision personnelle, par choix ou par nécessité, plusieurs facteurs socio-économiques militent pour une prise en considération du travail post-retraite. Citons notamment le dernier rapport du Conseil d’orientation des retraites, dont les conclusions indiquent que le régime va être durablement déficitaire dès 2023. Autre élément de contexte : les difficultés de recrutement auxquelles les entreprises font face, et le manque croissant de salariés hautement qualifiés, estimé à 1,5 million d’actifs à horizon 2030 par le cabinet de conseil Korn Ferry.
De nouvelles pistes pour inciter au travail post-retraite
Les seniors retraités représentent donc un vivier de compétences qui pourrait contribuer à relever ces défis. Encore faut-il déployer les mesures favorisant l’activité professionnelle post-retraite. Experconnect, cabinet spécialisé dans la gestion de compétences rares et seniors, en propose plusieurs, parmi lesquelles :
- Exonérer de cotisations sociales les retraités qui reprennent une activité ;
- Favoriser la création d’entreprise post-retraite, en prévoyant des incitations fiscales ;
- Créer une réserve constituée de retraités pour des missions expertes à salaire restreint auprès du secteur public et des organisations non lucratives.
S’il reste à voir si ces pistes seront explorées par les pouvoirs publics, le cumul emploi-retraite reste la seule mesure qui existe actuellement. Certains acteurs se positionnent depuis de nombreuses années sur ce sujet, avec l’ambition de pallier les difficultés de recrutement des entreprises, y compris pour les activités à temps partiel.
Les atouts professionnels des seniors, retraités ou non
Face aux entreprises réticentes, la pédagogie reste d’actualité. Car les arguments en faveur de ce vivier de compétences ne manquent pas ! Il s’agit de profils généralement dégagés de contraintes familiales, expérimentés, fiables et dotés de compétences à la fois métier et comportementales. Par ailleurs, dans un contexte où le rapport de force candidat-recruteur a tendance à s’inverser, ils sont moins enclins à démissionner que la génération Z et les Millenials – ce que révèle une récente étude de Bloomberg. D’autres enquêtes mettent par ailleurs en évidence leur plus grande souplesse en termes de niveau de rémunération ou de nature de contrat.
Il reste que les réflexions actuelles relatives au cumul emploi-retraite mettent en lumière un véritable paradoxe : celui du taux de chômage des seniors qui n’ont pas encore atteint l’âge légal pour partir à la retraite… Comme l’indiquent les évaluations de la Dares, plus de la moitié des membres de la classe d’âge des 55-64 ans sont sans emploi. Il serait donc temps de s’intéresser à cette problématique.
Vers un index professionnel de l’emploi des seniors ?
Le ministre du Travail vient de mettre le dossier sur la table en évoquant une récente proposition de l’ANDRH (Association nationale des directeurs des ressources humaines) : celle d’un index professionnel de l’emploi des seniors, inspiré de l’index d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Deux indicateurs permettraient de le constituer : d’un côté, des mesures en faveur des actifs de plus de 55 ans (accès à la formation et à la mobilité professionnelle, aménagement du temps de travail) ; de l’autre, les actions entreprises par les employeurs avant l’âge de 55 ans – mise en place de parcours certifiants, développement de compétences, reskilling pour les 45-54 ans, suivi du taux de recrutement des plus de 50 ans.
Avec le concours des pouvoirs publics, les entreprises auraient donc les cartes en main pour favoriser l’emploi et miser sur la qualité du parcours de carrière de leurs collaborateurs seniors. De quoi inciter certains d’entre eux à maintenir une activité professionnelle une fois parvenus à l’âge de la retraite.