Quatre leviers pour prévenir la « Grande Démission »
Ces derniers mois, une tendance croissante commence à inquiéter les entreprises : de plus en plus de salariés franchissent le pas du changement d’employeur, voire de métier, pour redonner du sens à leur vie professionnelle. Plusieurs défis RH sont à relever pour limiter ce phénomène de « Grande Démission » et conserver ses talents.
Plus de 38 millions de salariés ont quitté leur emploi en 2021 aux Etats-Unis, avec un pic de 4,3 millions pour le seul mois d’août. Cette situation, inédite par son ampleur, n’épargne pas les autres pays, notamment la France. En novembre dernier, la Dares mettait en évidence l’accélération, mi-2021, du nombre de démissions en CDI : plus de 302 000 salariés ont quitté leur emploi en juin et juillet, contre 263 000 en 2019, et les ruptures conventionnelles ont atteint, sur la même période, le chiffre de 85 000 contre 77 000 en 2019.
Comment expliquer ce phénomène, que les Anglo-Saxons appellent « The Great Resignation », soit la « Grande Démission » ? Si les envies de changement professionnel étaient déjà présentes, de manière plus ou moins latente, la crise sanitaire et les confinements successifs ont été une opportunité, pour les actifs, de réévaluer la place du travail dans leur quotidien, de repenser l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, de chercher davantage de sens.
Les jeunes cadres, une population à risque
Cette tendance risque bien de s’installer durablement, comme le révèlent plusieurs études récentes. D’après une enquête menée à l’automne dernier, plus d’un actif français sur deux souhaiterait changer de job. Les cadres sont largement concernés, rappelle l’Apec : nombre d’entre eux expriment leur envie de reconversion professionnelle, une tendance plus marquée chez les plus jeunes – 42 % des moins de 35 ans, contre 36 % des 35-54 ans. Quatre cadres sur dix se disent par ailleurs prêts à renoncer au salariat, par exemple pour se mettre à leur compte.
La situation appelle des réactions fortes de la part des entreprises, et plusieurs dirigeants se mobilisent aujourd’hui pour partager leurs bonnes pratiques de fidélisation durable des salariés. C’est le cas de Theodore Krantz, à la tête d’App Annie, qui recommande d’agir dans plusieurs directions : définir et partager une vision claire de la stratégie d’entreprise ; développer une culture de la confiance dans les relations professionnelles ; s’engager dans une démarche de flexibilité de l’organisation du travail ; miser sur une communication régulière et consistante ; et reconnaître l’implication de chacun dans la concrétisation d’objectifs partagés.
Les axes à privilégier pour fidéliser
Parmi les nombreux défis RH qui attendent les entreprises en 2022, quatre sont à privilégier pour limiter le risque de « Grande Démission » :
Améliorer le bien-être et la résilience des collaborateurs
Les « 4 A » sont au cœur de cette ambition : l’autonomie, dans la prise d’initiative ou l’expression d’idées ; l’affinité des collaborateurs avec les missions, les valeurs et la culture de leur entreprise ; l’aptitude, qui implique de mettre à leur disposition l’ensemble des outils et des formations utiles à la réalisation de leurs tâches ; et l’authenticité, en parlant de sujets clés comme la santé mentale au lieu d’en faire des tabous.
Maintenir l’engagement grâce à une expérience RH collaborateur de qualité
Cette dynamique doit débuter dès le parcours d’intégration. Plutôt que d’envisager cette période cruciale sur le mode « Que doit faire le nouveau collaborateur le premier jour ? », il est préférable de s’interroger sur ce à quoi doit ressembler ce premier jour. L’approche vise donc à partir des besoins et attentes des salariés pour adapter les process – et non l’inverse, ce qui permet de créer des expériences authentiques et enrichissantes pour les salariés.
Garantir une employabilité durable
Les recherches menées par SDWorx et l’Antwerp Management School le confirment : une carrière durable est une carrière dans laquelle les collaborateurs sont heureux, en bonne santé et productifs. L’employeur a donc intérêt à privilégier la qualité de vie au travail, à favoriser la mobilité dans différentes directions (promotion, changement de métier, développement d’expertise…), et à communiquer sur ce qui est attendu, de la part des collaborateurs, pour prendre leur carrière en main.
Maîtriser le développement des talents
La qualité du dialogue entre le collaborateur et le manager va permettre de définir les formations que le salarié a intérêt à suivre, pour renforcer ses compétences ou en acquérir une nouvelle. Il est également crucial de mettre l’accent les compétences clés du monde de demain, notamment les soft skills identifiées par le Forum économique mondial – pensée analytique, apprentissage actif, capacité à résoudre des problèmes, réflexion critique, créativité.
Pas de fatalité face au risque de « Grande Démission » ! En recentrant la politique RH sur le bien-être, la reconnaissance et l’engagement des salariés, et en privilégiant une expérience RH collaborateur de haut niveau, les employeurs ont une carte à jouer pour fidéliser leurs talents.